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Histoire du Béal Comtal de 1239 à 2023

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Histoire du Béal Comtal de 1239 à 2023
De Verrières à Lézigneux
De Drutel à Vidrieux



De la Vidrésonne à l’étang, tel un cordon ombilical, le béal Comtal amorce sa prise d’eau au hameau de Drutel, pour alimenter l’étang de Vidrieux. Ce bief ou béal, long de 6 km 500, construit il y a 800 ans, creusé de la main de l’homme à  travers champs, terres, rochers et bois est un modèle de dénivellation régulière, il utilise crêtes, vallons et plateaux, pour éviter une accélération des eaux et par conséquent un débordement inévitable. Depuis 1239 le système fonctionne.
 
Étymologie : Le mot « béal » vient d’un diminutif latin d’origine gauloise. Ce n’est rien de plus qu’un bief (on dit l’un ou l’autre à Verrières comme à Lézigneux).
Le mot « Comtal » en désigne le propriétaire, à savoir le comte de Forez, le béal venant alimenter en eau l’étang de Vidrieux créé par ce dernier et lui appartenant.
 
Construction du béal :
Nous sommes en plein moyen-âge. Le paysan (ou vilain) est libre mais cette liberté subit d’importantes restrictions. Le seigneur lui impose des corvées. De même que le noble doit le service de guerre, le paysan doit à tour de rôle des corvées d’intérêt local, obligatoires pour tous les habitants de la seigneurie. Le comte s’appuis sur cette main d’œuvre corvéable à merci pour faire creuser le béal par la population des paroisses environnantes de Saint-Georges-Haute-Ville, Sant-Thomas-la-Garde (les Nonnains au XIIIème siècle), Ecotay, Lézigneux et Verrières.
Le béal comtal est parfois confondu avec le « bief des Espagnoles » et sa prise d’eau sur le Visézy, qui alimentait en eau la ville de Montbrison (creusé par les prisonniers de la guerre d’Espagne entre 1809 et 1814).
 
Droit de prise d’eau : Le droit de prise d’eau sur la Vidresonne pour alimenter l’étang est permanent. Le béal peut couler à longueur d’année et les différents propriétaires de l’étang ne s’en privent pas.
En été le débit de la rivière est considérablement diminué, l’eau détournée par le béal manque en aval pour les nombreux moulins le long de la Vidresonne. Le long du béal, les agriculteurs voient couler l’eau sans avoir le droit d’en détourner ne serait-ce qu’une petite partie pour l’irrigation des prés et cultures traversés.
Une ordonnance du 1er avril 1591 enjoint aux riverains « d’entretenir et réparer le béal chacun le long de sa propriété, à  leurs frais et leur fait défense de détourner le cour de l’eau à leur profit ».
En été, lors des sécheresses la tentation est trop forte pour l’agriculteur riverain qui voit jaunir sa prairie, périr sa récolte alors que sur les hauteurs de son terrain l’eau coule en abondance.
Pour palier à ces détournements, le régisseur organise des rondes de surveillances tout le long du béal, de la prise d’eau jusqu'à l’étang.
 « La guerre de l’eau » prend des proportions surprenantes, (nous sommes en 1793) : Des individus armés ont parcouru le cours dudit béal, l’ont coupé, dirigé et intercepté les eaux pour les détourner et les empêcher de  parvenir dans les serves de l’étang.
 
Le 28 juin 1803 le Vicomte François De-Meaux rachète la propriété de Quérézieux et l’étang de Vidrieux. Dans le lot est comprit la ferme de la Provera.
Afin d’irriguer les terres (toutes situées en dessous de l’étang), la bonde de vidange est changée de place. Avec le déplacement de la bonde, la ferme profite d’une irrigation permanente de ce fait la production agricole est abondante ce qui suscite admiration et jalousie.
 
La colère des meuniers : Les propriétaires de l’étang et du béal subissent aussi le mécontentement des Meuniers dont les moulins se situent tout le long de la Vidresonne, en aval de la prise d’eau de Drutel. En période de sècheresse, le béal continu de couler, ce qui diminue le volume d’eau nécessaire aux moulins. « Ils détournent les eaux du béal qui épuisent toute la rivière ».
Les meuniers sont plus virulents au XIXeme, ils s’unissent pour poursuivre le Vicomte De-Meaux au tribunal pour dénoncer « Le sieur De-Meaux se permet de prendre par un béal les eaux de la rivière Vidresonne pour les conduire vers sa propriété de Quérézieux et par là, les transfèrent à la rivière du Cotayet.
Cette entreprise est contraire aux droits des meuniers qui ont toujours joui des dîtes eaux pour leurs  moulins.
Elle est contraire aussi à l’intérêt public qui ne permet pas de détourner le cours des eaux d’une rivière et de priver plusieurs communes des moyens de faire moudre leurs grains, surtout dans les périodes de sècheresse telles que nous nous trouvons ».
La plainte est portée par les exploitants des moulins : Benoit Drutel et Pierre Chaperon de Durbize, tous deux de Verrières, Etienne Bayle, Jean jay, Jean Gérossier, Chalénion et Damon, tous de Lézigneux.
Le juge de paix déclare : « Nul n’a le droit d’intercepter l’eau du béal sans un arrêté spécial de monsieur le Préfet ».
Le Vicomte est tout de même rappelé à l’ordre par le juge puisqu’il dirige l’eau du béal sur sa propriété d’Ecotay et, de là, oriente le surplus dans la rivière du Cotayet, privant ainsi la Vidrésonne des moyens hydrauliques nécessaires à ses moulins.
Avec les deux propriétés de Quérézieux et de la Provéra qui étaient alimentées en permanences en période d’été, il est bien évident que les sept moulins qui se trouvaient sur la Vidresonne entre Drutel et Vidrieux avaient de sérieux problèmes hydrauliques.
 
La justice, sous l’Empire, comme sous la révolution et l’ancien régime, reste intraitable face aux attaques des droits sur le béal : Le privilège lui reste acquis.
 
1947 : de mémoire d’homme le Forez n’a connu une telle sècheresse. Les puits collectifs sont cadenacés, l’eau est rationnée. Les mares sont asséchées. La Curaize et la vidrésonne ne coulent plus. Le béal, lui, il prend le peu d’eau qui arrive encore à Drutel, il continu d’alimenter l’étang, la ferme de la Provéra et la propriété de Quérézieux au détriment de la Vidresonne.
Les fermes du bourg de Lézigneux bénéficient du passage du béal, celui-ci longe le bourg d’Ouest en Est.
A Vidrieux, la proximité de l’étang leur permet d’abreuver leurs bêtes.
Pour Valensanges et Mérigneux, c’est une autre affaire, ces deux hameaux sont  beaucoup trop éloignées du bourg et de l’étang pour y acheminer leurs bêtes ou y remplir les tonnes à eau elles mêmes transportées par les bêtes.
La colère gronde. Le préfet est appelé au secours...
Depuis cette année 1947, le béal ne coule plus en période de canicule ou de simple sècheresse.
Gestion par un indépendant : De 1239 à 1966, soit 700 ans l’étang et le béal était entretenus et exploités par les employés du propriétaire. En 1966, Camille De-Meaux  en confit la gestion au poissonnier Boënnais Escalon
L’entretien du béal jusque là effectué par le régisseur du Vicomte  et les propriétaires riverains lui laisse un ouvrage propre et fonctionnel. Sauf que le poissonnier n’a pas les mêmes impératifs, il s’occupe d’une trentaine d’étangs dans le Forez et ne peu amener le même soin à celui de Vidrieux que le régisseur qui, lui, en suivait le cour régulièrement pour l’inspecter, le surveiller et l’entretenir.
 
L’exode rural,  la fin de la paysannerie, la mécanisation, le cout de la main d’œuvre, entrainent des bouleversements jusque là méconnus : la friche des trop petites parcelles, l’abandon des terrains pentus ou inaccessibles aux machines modernes et  la négligence d’entretient sur le béal par ces nombreux propriétaires. Au fur et à mesure de ces abandons l’état du béal se dégrade
 
La plupart du temps le poissonnier Escalon n’intervient sur le béal que lors du remplissage de l’étang.
Trente six ans plus tard...
L’étang devient communal :
Devant ses inquiétudes pour l’alimentation de l’étang avec le béal, Mr Maurice De-Meaux prend la décision de s’en séparer avant que la situation ne se détériore davantage.
Soucieux de l’intérêt patrimonial et historique et de la pérennité de l’étang, Mr De-Meaux le propose (à la vente) à la commune de Lézigneux et donne à cette dernière la préférence, plutôt qu’à quelques intérêts particuliers. Il était surtout inquiet du devenir du béal. Dans sa réflexion, seule la collectivité est suffisamment armée pour faire respecter les droits de passage et assurer l’entretient nécessaire pour l’alimentation de l’étang.
 
En 2002, l’étang de Vidrieux et le béal comtal sont devenus propriété de la commune de Lézigneux. Vendu et non pas donné pour le franc symbolique (d’après une rumeur) !
C’est à l’Hameçon de Vidrieux, association de pêche créée par un groupe de chasseurs, de pêcheurs et de Sympathisants qu’est confiée la gestion de l’étang. Un bail est établit par la Mairie, avec l’hameçon de Vidrieux et la société de chasse ACCA.
Depuis vingt ans maintenant l’Hameçon de Vidrieux, empoissonne, pêche, entretient, gère l’étang et le Béal.
Et si les membres de l’association rencontraient sourires, moqueries et critiques au tout début concernant leurs travaux sur le béal, la ténacité et le nombre d’intervenants, les moyens matériels et financiers engagés. La fréquence des interventions a permis le busage de 1512 mètres linéaires du béal, soit ¼ de sa longueur totale. Les résultats obtenus, imposent aujourd’hui le respect.
Et si le doute subsiste nous invitons les septiques à suivre le béal jusqu’à l’étang, à longer celui-ci, à constater tous les travaux d’aménagements pour la pêche, la balade, le ludique, toutes les plantations, la restauration de l’ancienne bonde, l’aménagement de la serve.
Un relevé topographique détaillé est aujourd’hui disponible, il permet de compléter le tracer du béal absent en divers points sur le cadastre. Tout est travail de bénévoles.
La partie sud de l’étang est  réservée à la chasse, elle est  restée dans son état sauvage.
Un WC, un parking et un aménagement PMR ont été financé par la municipalité Lézignoise et Loire-Forez-Agglo.
Depuis le XIIIème siècle Les intérêts ont changés. Il n’y a plus de moulins le long de la Vidresonne. Beaucoup de terrains sont en friches. Avec les sècheresses et canicules annoncées du XXIème, le béal risque d’être à nouveau sous le feu de l’actualité, qui sait...
Comme on peut le constater, c’est au prix d’un effort continuel et collectif que continuera de couler le séculaire béal qui alimente le site historique de l’étang de Vidrieux.


Pour hameçon de Vidrieux,
Paul Gérossier

 
 La municipalité d'Ecotay remercie Mr Gérossier pour le travail de recherche permettant de conter l'histoire de notre patrimoine.